
Comment définiriez-vous votre première saison en tant que directeur général du SM Caen ?
"Chargée tant sur le plan émotionnel que physique. Une année comme celle-ci équivaut à trois saisons à l'Olympique de Marseille. Nous avons traversé beaucoup d'orages entre les Jeux équestres mondiaux nous privant de stade durant les six premières journées, l'affaire (des matches présumés truqués en Ligue 2), nos difficultés sportives et des décisions d'arbitrages pas toujours favorables. Quand on voit que nous occupions la 20e place en décembre et que nous terminons 13e, c'est un exploit. Il faut le savourer. Je peux vous assurer que pour réaliser ce que les garçons ont fait, il faut être costaud dans les têtes".
Quelle fut la période la plus critique pour votre formation ?
"A Guingamp où nous avons reçu une claque. D'ailleurs, c'est l'une des rares fois où je suis intervenu dans le vestiaire de manière aussi virulente après une rencontre. Après, les joueurs bénéficient de circonstances atténuantes. C'est à ce moment-là, à la suite du sursaut d'orgueil face à Monaco, que nous avons ressenti le contre coup psychologique de l'affaire. Ce facteur s'ajoutant à la fatigue physique des quatre premiers mois de compétition alors que ce déplacement se situait au milieu d'une semaine à trois matches. Je n'oublie pas non plus que si nous nous sommes écroulés en seconde mi-temps, c'est consécutif à un fait de jeu défavorable(1). Au passage, la seule équipe qui nous a surclassés dans des conditions "normales", c'est Monaco au retour (défaite 3-0)".
Patrice Garande, l'entraîneur, a souvent répété que vous aviez redonné certaines priorités aux joueurs à la trêve hivernale. Quelle a été la nature de votre discours ?
"Le nul contre Bastia lors de la dernière journée de la phase aller nous avait permis de stabiliser notre situation au niveau sportif. Maintenant, heureusement qu'il ne restait pas trois quatre rencontres supplémentaires avant cette coupure, sinon, nous aurions été en grande difficulté. Ensuite en accord avec Patrice et Alain (Cavéglia, le directeur sportif), je me suis substitué au président absent à cause de l'affaire en effectuant une mise au point collective avec comme leitmotiv que l'intérêt général du club prévalait sur toutes les considérations personnelles. De là, nous avons ajusté notre effectif pendant le mercato. La suite nous a montré que nous ne nous étions pas trompés à propos de ce groupe, qu'il ne trichait pas".
A quel moment pensez-vous que votre championnat a basculé du bon côté ?
"Dès la reprise de l'entraînement, nous avons senti que les garçons avaient changé même s'il y a eu l'accroc en Coupe de France. Le déclic s'est réellement produit à Lille pour le premier match de la phase retour. En dépit de la défaite, j'ai retrouvé mon équipe du début de saison. Le stage avant au Touquet a fait énormément de bien au groupe. Ça lui a permis de sortir d'un contexte difficile".
Que vous inspire le changement de réglementation concernant les montées et les descentes avec seulement deux relégations en L2 lors du prochain exercice ?
"Ma première réaction, c'est que nous avons bien fait de nous sauver cette année, car ça va être de plus en plus dur d'accéder à la Ligue 1. Maintenant, nous ne changerons pas de philosophie pour autant. Le maintien constituera notre priorité. Quand on voit que certains clubs issus de grandes agglomérations à l'image de Strasbourg ne sont pas parvenus à remonter en Ligue 2, il ne faut pas se montrer trop exigeant. Par expérience, la deuxième année pour un promu est toujours compliquée. L'équipe ainsi que quelques joueurs vont devoir confirmer. L'idée est de pérenniser le club en Ligue 1 et c'est ça le plus difficile".
Comment le Stade Malherbe peut-il y parvenir ?
"En se structurant à tous les étages à commencer par nos conditions d'entraînement. Alors que l'ensemble du club a subi d'être privé de nos installations en raison des JEM, nous allons récupérer des pelouses refaites à neuf la saison prochaine. C'est un premier pas. Après, dans le cadre de notre projet 2015-2020, nous nourrissons l'ambition de bâtir un camp d'entraînement sur la plaine de Venoix. C'est important pour les professionnels, mais également pour notre école de foot. Nos actionnaires ont été emballés par le dossier que nous leur avons présenté. Ils ont bien compris la nécessité de combler notre retard dans ce domaine. Les discussions avec les collectivités sont en cours. La mairie semble séduite. Après si ce plan A ne fonctionne pas, nous disposons d'une solution de repli. De toute façon, si nous voulons stabiliser le club en première division, nous avons besoin de bases solides".
Que manque-t-il au groupe pour franchir un palier et ne pas vivre avec la menace de la zone de relégation constamment ?
"De l'expérience. Avec notre équipe cette année, nous aurions pu très bien nous classer dixièmes comme finir relégables. En décembre, quand ça n'allait pas bien, je pense que nous aurions pu rebondir plus tôt avec des éléments ayant plus de bouteille. C'est pourquoi, durant ce mercato, nous allons cibler des joueurs possédant 70-100 matches de Ligue 1 derrière eux pour encadrer nos jeunes joueurs. Bien sûr, dans ces dossiers, il existe plus de concurrence, donc il faudra peut-être se montrer un peu plus patient. En parallèle, nous cherchons toujours des garçons à fort potentiel. Ils savent qu'en signant au Stade Malherbe, ils ont plus de chances de jouer rapidement en Ligue 1 qu'en rejoignant des écuries plus prestigieuses. Nous avons démontré ces dernières saisons que nous pouvions être un magnifique tremplin pour une carrière(2). Maintenant, au regard de notre réussite dans ce domaine, notre système a fait des émules. La concurrence est également plus importante".
La saison n'a pas été simple non plus au niveau de la formation avec le départ de deux directeurs en l'espace de cinq mois...
"Bien qu'ayant été extrêmement déçu, je peux accorder des circonstances atténuantes à Nasser (Larguet). Avec son engagement pour son pays, le Maroc, il s'est retrouvé bloqué et il n'a pas osé nous le dire. Pour Landry Chauvin, c'est totalement différent. Je n'ai pas apprécié son départ ni la méthode. Apparemment, nous ne partageons pas les mêmes valeurs. Je ne me serais jamais permis de commettre ce qu'il nous a fait. Nous lui avons tendu la main alors qu'il restait sur une période de chômage d'un an et demi et voilà le résultat. Malgré toutes ces péripéties, les éducateurs ont assuré et avec la nomination de Francis De Taddeo, tout ça se trouve derrière nous. Francis va nous apporter sa philosophie sur le jeu, son charisme et son expérience. Si nous nous stabilisons en Ligue 1, un des futurs objectifs sera, d'ailleurs, de faire monter notre réserve en CFA".
Vous semblez très liés avec Alain Cavéglia et Patrice Garande, c'est assez rare dans ce milieu…
"Avec Alain et Patrice, nous n'avions pourtant jamais fréquenté un club simultanément que ce soit comme joueur ou dirigeant. C'est la réussite de Jean-François Fortin. C'est un visionnaire. Notre entente a grandi au fur et à mesure de la saison. Aujourd'hui, nous sommes très soudés. Nous formons un bloc. Pendant les deux trois mois où nous n'avons pas beaucoup dormi à cause de l'affaire et des mauvais résultats, nous avons souvent mangé ensemble. Compte tenu du contexte, ces moments constituaient des bouées de sauvetage. L'avantage, c'est que nous sommes capables de rigoler ensemble, mais aussi de se dire les choses en face sans que cela n'altère la qualité de nos relations. Nous possédons chacun une expérience dans le monde du football, mais chacun a l'intelligence de rester à sa place et de ne pas empiéter sur le secteur d'activités de l'autre".
Que retiendrez-vous, au final, de cette saison ?
"La solidarité entre les différentes composantes du club à l'image de notre public. Je sens qu'il s'est passé quelque chose. A nous de le faire perdurer. Nous nous sommes tous serrés les coudes. Nous ressortons plus forts d'une saison comme celle-là. Je crois aussi qu'à travers notre seconde moitié de championnat, nos exploits contre les grosses cylindrées, notre style de jeu avec la quatrième meilleure attaque de Ligue 1, la notoriété du Stade Malherbe sur le plan national a progressé. Nous bénéficions d'une bonne image aux yeux des observateurs".
(1)Une main involontaire de Jean-Jacques Pierre avait entraîné l'expulsion du défenseur caennais et un penalty pour les Guingampais synonyme de 3-1 en leur faveur à l'heure de jeu.
(2)Dennis Appiah, N'Golo Kanté, Damien Da Silva, Emmanuel Imorou, Jordan Adéoti et Hervé Bazile entre autres.