Yohan, passée ta carrière de joueur, tu t’es orienté vers le recrutement. D’où te vient cette vocation ?
« En fait, ça fait une dizaine d’années que je veux travailler dans le recrutement. Ça m’est notamment venu lorsque j’évoluais à Sedan. Je voyais les joueurs arriver et ça me fascinait de comprendre par quels biais tout ça s’opérait. Dénicher des joueurs, des talents, les accompagner dans leur carrière, ça m’a toujours intéressé. A partir de là, j’ai eu envie de faire ça après ma carrière de joueur et c’est la reconversion que j’ai choisie au SCO Angers après ma blessure. »
Tu as appris le métier chez les Angevins, notamment aux côtés d’Olivier Pickeu, qu’est-ce qui a fait que tu as finalement fait ton retour à Caen ?
« Olivier a été exceptionnel durant ma formation à ses côtés, il m’a permis de me développer dans ce métier. A partir de mars/avril, la direction du Stade Malherbe est venue vers moi et m’a présenté le projet. Dès lors, j’ai eu un temps de réflexion parce que je devais prendre la décision en famille. Après avoir analysé la situation, j’ai dit oui à Caen. Mon choix s’est opéré avant que la descente du club ne soit actée. »
Ton premier mercato en tant que directeur sportif, comment le juges-tu ? On t’imagine soulagé que cette période intense soit terminée…
« Le marché estival, c’est trois mois de dingue, c’est jour et nuit. La tête n’arrête pas de penser pour trouver les meilleures solutions. A partir de là, c’est beaucoup de temps et de réflexion. Tu prends toutes les informations, ça fait partie du métier, mais la décision finale, c’est toi qui dois la prendre, bien entendu en compagnie du directeur général, du président et du coach. Il faut réussir à tout aligner : du joueur, à l’agent, au coach, au directeur sportif, au président... Et bien sûr, il y a aussi un club acheteur et un autre vendeur, tout le monde doit être sur la même longueur d’onde. Dès lors, toutes les conditions sont réunies pour faire venir le joueur. »
« Si on n’est pas dedans, on est à des années-lumière de savoir comment ça se passe. Il faut faire une analyse globale. Quand on recrute un joueur, on s’attache à plein de choses. Est-ce que ce joueur va bien fonctionner dans l’équipe ? Que va-t-il pouvoir apporter ? Quelle complémentarité aura-t-il avec les autres joueurs ? Parfois, on peut considérer qu’un joueur est bon mais qu’il ne va rien nous apporter parce qu’il ne va pas s’entendre avec les autres footballeurs en place. Aujourd’hui, le métier de recruteur, ce n’est pas juste faire venir des joueurs. Il s’agit d’analyser, d’avoir une grande connaissance de son club, de bien connaître son équipe et ses joueurs et à partir de là, distinguer les secteurs où l’on doit apporter des plus-values afin que des complémentarités se créent. L’objectif est bien entendu de rendre l’équipe la plus performante possible. »
Quelle a été l’idée directrice de ce mercato estival au Stade Malherbe ?
« Il y a eu plusieurs phases. Tout d’abord, il fallait trouver des solutions aux joueurs qui ne s’inscrivaient plus dans le projet. En parallèle, il fallait qu’on travaille en équipe à trouver des hommes de valeur, des garçons qui ont connu des choses positives et avec lesquelles il est possible d’avoir de l’ambition. La première chose qu’on s’est dite avec le président c’est qu’il nous fallait des cadres. Avec des joueurs comme Anthony Weber, Anthony Gonçalves et Rémy Riou, je crois que ça évoque un certain charisme et trois joueurs à-même d’être des cadres. C’était important de commencer par-là. Ensuite, il fallait adapter l’équipe en fonction des besoins du coach à des postes bien définis. L’idée était de créer des plus-values sportives via des profils également en mesure de s’intégrer dans notre masse salariale, etc. »
C’était un défi pour toi de construire cette équipe en vue du championnat de Domino’s Ligue 2 ?
« A partir du moment où un club descend, il y a une transition obligatoire. On ne pouvait pas dire qu’on n’avait pas à reconstruire en sachant qu’on a rapidement fait l’analyse du vestiaire et que certains garçons ne voulaient pas rester dans le projet. Dès lors, il a fallu repartir à zéro pour créer quelque chose. Comme je l’ai dit, ça passe par l’apport de cadres, de complémentarités, de nouveaux visages, etc. »
Cette équipe que tu as mis en place collégialement avec le président, le directeur général et le staff, quel mot choisirais-tu pour la définir ?
« Compétitive. Tout est rassemblé dans ce groupe et on espère maintenant tous que ça va prendre. Je n’ai pas de doute là-dessus mais je répète encore qu’il faut de la patience. On doit être à 20 départs et 15 arrivées, je ne sais même pas si une telle chose s’est faite en Ligue 1 ou en Ligue 2. Maintenant, toutes les conditions sont réunies pour qu’on puisse réussir. Je sais qu’on ne s’est pas trompé sur les hommes au niveau de la qualité humaine et de la qualité sportive. Nous allons avoir un groupe très solide ! »
Les résultats décevants depuis le début de saison te surprennent-ils ?
« En début de saison, il nous manquait beaucoup de joueurs. Ensuite, on a demandé à nos jeunes joueurs de porter l’attaque du Stade Malherbe malgré leur très jeune âge. Je prends l’exemple d’Herman Moussaki, c’est un joueur qui doit aisément prétendre au groupe et qui doit faire quelques matchs. Normalement, il doit grandir tranquillement avec nous et nous on est en charge de l’accompagner afin de lui faire passer un cap. Là, les choses ont fait qu’on lui a demandé d’être le numéro 1. Ça faisait beaucoup de pression sur ses épaules, il faut être lucide sur la situation, ce n’était pas à lui de porter tout ça. Ce n’est pas surprenant et les périodes de mercato sont difficiles. Désormais, l’effectif est au complet donc on est prêt à faire une bonne saison. »
L’accélération finale dans le recrutement des joueurs, comment ça s’explique ?
« Ce n’est pas une question que le marché s’accélère. Je vais prendre l’exemple de Caleb Zady Sery. On parlait avec lui depuis des semaines mais encore une fois, il y avait tout le monde à aligner. Sur ce dossier, tout le monde était d’accord sauf le club vendeur. Dès lors, ça prend du temps, ça passe par des négociations. Et à un moment donné, on y arrive. C’est juste que ça arrive à trois jours de la fin du mercato. Les observateurs ont pu dire que c’était un choix par défaut mais non. C’est un joueur qu’on suit depuis plusieurs semaines mais c’est difficile à expliquer aux gens de l’extérieur. Les décisions doivent finir par se prendre. Pour Benjamin Jeannot, c’est différent. Il ne devait pas quitter son club, que ce soit début juillet ou début août, la situation était la même. J’ai gardé le contact avec lui tout le temps et dès que j’ai senti que ça pouvait se débloquer, on a avancé. Au final, on se retrouve face à un joueur qui a fait preuve d’une envie incroyable de nous rejoindre donc le deal a pu se faire rapidement. »
Pour toi Yohan, au moment où le marché estival se termine, le suivant a déjà commencé ?
« Le travail du coach, c’est de préparer le match qui arrive. Le travail au niveau du recrutement, c’est d’anticiper ce qui va se passer dans 6 mois ou dans 1 an. Donc moi, je suis déjà en train de penser à tout ça. Je dois trouver les solutions pour le coach avec ma cellule de recrutement donc bien entendu, je me projette toujours sur le match de samedi et sur celui d’après mais mon énergie elle est déjà sur le prochain mercato. C’est pour ça qu’il est essentiel de bien connaître son équipe, son club, de savoir où en seront les contrats dans un an, dans deux ans… Il s’agit d’imaginer comment les choses peuvent se dérouler individuellement et collectivement. Si un départ survient, il faut savoir comment faire pour s’adapter. »
Revenir à Caen, quelles émotions ça t’a procuré ?
« Je suis chez moi, c’est un réel plaisir. J’adore ce club. J’étais vraiment très très bien à Angers et si ce n’est pas Caen, je ne sais pas si je viens. J’ai aimé ce club, j’ai aimé les supporters. J’ai vécu la saison dernière de l’extérieur et j’étais triste de voir le club dans cette situation. Je suis venu pour relever un défi et je mets toute mon énergie dedans. J’ai envie de voir le stade plein, de voir le public derrière son équipe et qu’on vive tous de grandes émotions pour ce club. J’ai conscience que les supporters donnent beaucoup pour leur équipe, qu’ils viennent parfois de très loin et bien entendu, on aurait tous espéré un meilleur départ. Il faut de la patience, ce n’est pas une façade, c’est vraiment le cas. Mais devoir se montrer patient ne signifie pas qu’on n’a pas d’ambitions. »