Il crochète astucieusement le Lensois Florian Sotoca, adresse dans la foulée une soigneuse ouverture entre les lignes dans la course de Benjamin Jeannot avant de se replacer au pas de course et de repartir s’adonner à ce qu’il sait faire de mieux sur un terrain : la bagarre, dans le sens noble du terme. Ce 21 septembre, Caen s’incline 2-0 contre le RC Lens au terme d’un match difficile mais d’Ornano vient de découvrir pour la première fois en action Steeve Yago, son nouveau défenseur polyvalent. « Je suis plus un bon bagarreur qu’un grand technicien», confie-t-il en toute modestie. Dernier arrivé du mercato d’été, le Franco-Burkinabé est un dernier rempart de longue date. « J’ai été défenseur du début à la fin, même pas milieu droit, même pas numéro 6, rien ! raconte-il tout en s’esclaffant de rire. Je ne voulais pas monter de toute façon. Dans mon quartier, j’ai souvent joué plus haut. Après en club, il fallait vite se positionner.»
Ce quartier dont il parle, c’est celui de Sarcelles où il vit jusqu’à ses 13 ans. C’est à cet âge qu’après avoir réussi une détection il s’envole pour le centre de formation du Toulouse FC. « C’était plutôt excitant comme challenge, quand on est jeune on veut découvrir et je n’avais jamais quitté le foyer familial », se souvient-il. Au sein d’une « génération dans laquelle il fallait se battre et se donner à fond », Steeve gravit les échelons les uns après les autres en s’accrochant mois après mois : « Le plus gros exploit qu’on ait fait, c’est un quart de finale de Gambardella mais c’était difficile pour moi parce que je n’ai eu mon premier contrat qu’en CFA ». Grâce à une abnégation indéfectible, peut-être sa qualité première, le défenseur malherbiste devient professionnel 6 ans après son arrivée dans la Ville rose. Il a alors seulement 19 ans et son coach d'alors Alain Casanova n’hésite pas à l’envoyer au charbon sur la pelouse de Nancy. Le Téfécé gagnera 1-0. « Je rentrais dans le lot des pitchounes de Toulouse à l’époque des Sissoko, Capoue, Ben Yedder, se rappelle Steeve. J'ai beaucoup joué lors de cette première saison en pro, ma famille et mes proches attendaient ça, ça m’a fait plaisir ! »
2012 est l’année de tous les changements pour ce footballeur qui se décrit comme quelqu’un de « simple, fan de karting et de Playstation » puisqu’en plus de découvrir la Ligue 1 Conforama et de signer son premier contrat pro, il entame aussi son aventure avec la sélection burkinabée. « Je suis fier et honoré d’être international. Jouer pour la patrie c’est extraordinaire, j’en profite à chaque sélection ! » claironne-t-il. Lors de son premier match contre le Niger, c’est d’ailleurs grâce à l’ancien Marseillais Charles Kaboré qu’il entre sur la pelouse, ce dernier ayant demandé au sélectionneur Paul Put de lui offrir ce moment inoubliable. Avec les Etalons, Steeve Yago prend part aux Coupes d’Afrique des nations 2015 et 2017, année où ils terminent 3ème de la compétition organisée au Gabon. Désormais, le Malherbiste espère ardemment disputer une Coupe du monde. « On était proche de jouer celle du Brésil, rappelle-t-il. 2022 c’est possible je pense même si on n’a pas fait la dernière CAN. On a l’envie et les capacités pour, je pense que c’est l’objectif de chacun. »
Avant de voir - peut-être - se concrétiser ses rêves de Mondial, Steeve Yago a rejoint le Stade Malherbe avec l’ambition de retrouver l’élite, lui qui est davantage un joueur de Ligue 1 Conforama que de Domino’s Ligue 2 et à qui l’on demande très régulièrement des anecdotes sur le maintien miracle obtenu avec Toulouse à Angers en 2015-2016 sous les ordres de Pascal Dupraz. « C’était irréel, se remémore-t-il en écarquillant encore les yeux. Moi sur le match je pensais vraiment qu’on était maintenu avec un 2-2. On ne voyait pas que Reims était en train de battre Lyon. Au final, quand on marque le troisième, c’est une sacrée performance. » Au début de la saison, ce n’était pas gravé dans le marbre que le défenseur polyvalent et l’ancien coach des Violets se retrouveraient sous les couleurs rouge et bleu. Et quand le président Fabrice Clément lui a demandé quelques heures avant l'arrivée du nouvel entraîneur caennais comment il réagirait s'il lui annonçait que Pascal Dupraz allait coacher le Stade Malherbe, Steeve Yago a aussitôt répondu « Génial ! C’est un très bon coach. De base, c’est un meneur d’hommes. Il n’oublie personne et met tout le monde à contribution. A nous de donner le meilleur de nous-mêmes sur le terrain.» À travers ses expérience, la défenseur caennais ne sait d'ailleurs que trop bien qu’en football, rien n’est jamais impossible.